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Paroles de lecteurs « Des éleveurs usés : économiquement, physiquement, émotionnellement »

Avez-vous toujours la passion du métier ? Ou êtes-vous fatigués, découragés, voire désabusés ? Commentez l'article !

Aux catégories d’éleveurs, définies par l’idele dans le projet Entr’actes, les lecteurs de Web-agri proposent d’en ajouter plusieurs : producteurs « criblés de dettes », « au bord de la ruine », « démotivés et n’éprouvant plus aucune fierté, ni passion », « à bout de souffle »…

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Des profils d’éleveurs établis par l’idele – « animalier communiquant » centré sur le lien à l’animal, « commerçant contraint » faisant de la transformation et de la vente directe, deux activités chronophages, « entrepreneur flexible » passionné par la technique et l’innovation, « paysan citoyen » tourné vers la société et les territoires – nous vous demandions lequel vous correspondait le plus.

« « Animalière communicante » pour moi ! », lance Nelly. Gil, lui, est « plutôt « entrepreneur flexible » » mais considère qu’il est « impossible de correspondre à l’un des quatre ». « « Passionné ruiné » comme beaucoup ! », ironise Guillaume.

« Endettés » voire « ruinés »

Et de nombreux lecteurs de Web-agri d’enchaîner comme Lstef : « J’ai été pendant 10 ans « animalier communiquant ». Depuis 10 ans, je suis « commerçant contraint ». Aujourd’hui, la passion est passée, la fierté aussi. Je suis usé physiquement et émotionnellement. Les vaches partiront à la fin de l’année. J’ai besoin de temps, sans élevage, pour faire le point et prendre des décisions pour l’avenir. Quel gâchis ! Je vous souhaite beaucoup de courage à tous ! »

Steph72 le rejoint, proposant de créer « la catégorie des « éleveurs motivés par le métier pendant 25 ans et qui le sont moins » à cause des contraintes administratives toujours plus grandes et d’un manque de reconnaissance du travail par les prix ». Cmoi07 va plus loin : « Ils ont oublié « ceux qui en ont ras le bol » de se crever pour rien gagner et qui n’ont plus qu’une idée en tête : pouvoir enfin souffler. Une catégorie encore oubliée. »

« De moins en moins passionnés et motivés »

Tout comme celle des « « éleveurs endettés" » poursuit Bouboule, qui sont « tenus par des dettes bancaires (prêts « installation" pour les jeunes et "ferraille bâtiments » pour les autres) et les dettes fournisseurs auprès des coops. »

« Malheureusement, ces éleveurs sont légion dans les campagnes. Ils sont liquidés, économiquement et physiquement, ils s’accrochent à je ne sais quoi par fierté ou orgueil, ou disparaissent en silence… » 

« Vieillissants et épuisés »

Les lecteurs semblent bien pessimistes sur leur métier d’éleveur et de son avenir. Alors quand l’idele, au Grand Angle lait, déclare que « le pic de la vague des départs est passée en élevage laitier », plusieurs ont réagi.

Pink n’y croit pas : « Le monde de l’élevage est vieillissant et usé. Par chez moi, on a tous en moyenne plus de 55 ans et pas de repreneurs. » « Le renouvellement des générations de producteurs laitiers ne se fera que par la reconnaissance de notre profession, en particulier financièrement », avance-t-il.

Comme pour Pink, dans le secteur de Kerlait 29, « l’âge des éleveurs laitiers avance, de même que le désert laitier. […] » « La filière va devoir s’approvisionner dans les Pays de l’Est ou autres », rétorque ptitlaitier.

« La vague de départs est loin d’être passée »

Pour Thefrenchfarmer, d’une part, « ce n’est pas parce qu’une exploitation se robotise qu’elle sera encore là dans cinq ans ». D’autre part, « énormément de quarantenaires sont toujours aidés par des retraités […] : l’équilibre est donc fragile », argue-t-il encore. Avant de résumer : « Bien sûr qu’il y a moins de cessations laitières mais quand il y en a, elles marquent les esprits parce que ce sont de grosses exploitations […]. »

Concernant la robotisation, did connaît « un producteur de lait équipé de robots de traite et d’un méthaniseur ». « Il pense arrêter la production laitière et garder la méthanisation, beaucoup plus rentable, témoigne-t-il. Le manque de rentabilité de l’élevage laitier et, cerise sur le gâteau, les retraites agricoles de misère : éleveur est un métier qui fait de moins en moins rêver. »

« Ne sont pas comptabilisés, selon Alain également, les éleveurs qui font encore du lait parce que les anciens associés ou les parents, à la retraite, continuent à travailler bénévolement et s’occupent du troupeau. » « Le jour où ils ne pourront plus le faire, les vaches partiront, tranche-t-il. Des exploitations dans ce cas-là, il y en a plus qu’on ne le pense. » Autrement dit par Nico : « Ils arrêtent quand les parents arrêtent de traire. »

« Quid des cessations précoces ? »

Jb est d’accord avec eux : « Il y en a plein les campagnes et ces retraités bénévoles ne seront pas éternels, en viande aussi d’ailleurs. » Il évoque les difficultés spécifiques à l’installation en vaches laitières : « Dans le coin, deux repreneurs ont été jetés par les banques à cause des trop gros capitaux à investir, et des intérêts bancaires délirants. »

Gil confirme : « Ceux qui ne sont pas issus du milieu agricole, si les parents n’ont pas 500 000 € cash, ils n’y arriveront pas. L’installation ne peut qu’être encouragée par un contrôle du coût des reprises et des investissements, souvent trop élevés et non rentables. »

Pour Benoît, « produire du lait n’est pas seulement une question de démographie ». Il met en avant l’estimation difficile des arrêts d’activité : « Avant, c’était plus simple, car les anciens faisaient toute leur carrière avec leurs vaches. Aujourd’hui, ce n’est plus vrai. Il y a beaucoup de cessations laitières précoces, parfois très peu d’années après avoir commencé. »

« À peine installer, j’en ai déjà marre »

Il revient sur la robotisation qui, fait-il remarquer, « n’a rien à voir là-dedans, c’est souvent la dernière étape avant de jeter l’éponge. Sans compter que la production d’énergie, bien plus rentable, accélérera le phénomène […] » Maxime, par son témoignage, va dans ce sens de ce que dit Benoît : « Moi, après trois ans d’installation, j’en ai plus que marre. Dès que je peux, je m’en vais loin… »

« Dans les arrêts non prévisibles, steph72 invite également à avoir en tête « un paramètre important : le nombre de problèmes de santé et de décès en augmentation ».

« Le stade de l’épuisement dépassé »

Bouboule insiste : « Sans parler de ceux qui se sont enfermés dans un système esclavagiste, niant le facteur humain, qui ont dépassé le stade de l’épuisement […] » « […] Réveillez-vous ! L’hémorragie de l’élevage continue !! […] »

Et steph72 de conclure : « L’attractivité du métier d’éleveur passe par le prix du lait. Sans de meilleurs prix, et rémunérés au Smic, les jeunes abandonneront l’élevage au bout de 10 ans d’installation, si déjà il y en a qui s’installent ! »

Gaec De Fortville réclame « 4 smic minimum pour un UTH ». « Nous sommes des chefs d’entreprise, qui prenons énormément de risques, non ? », interroge-t-il. « Maintenant, un éleveur doit être informaticien, juriste, spécialiste des formalités administratives, comptable, secrétaire et, s’il lui reste du temps, accessoirement, éleveur », détaille Eugène.

« Le revenu des éleveurs est très important, mais les conditions sociales et sociétales sont aussi déterminantes quant à l’envie de s’installer en production laitière. L’excès de normes et de contraintes diverses sont des facteurs rédhibitoires », complète Ronan. De même que Pierre : « Salaires bas, horaires contraignants, travail de nuit, les jours fériés, dans un secteur ou la moindre erreur vous emmène au tribunal… » C'est pourquoi « le renouvellement des générations est difficile », martèle Bernard.

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